samedi 1 juillet 2017

Le « vampire » varroa peut sauter sur l’abeille depuis une fleur



Il suffit de deux secondes au varroa, un redoutable parasite, pour s’accrocher à une abeille depuis une marguerite montre une étude américaine. L’acarien dévastateur pourrait donc infester l’insecte au cous du butinage. 

VENTOUSE. Elles ont beau être aveugles, dotées d'un cerveau microscopique, les femelles de l'acarien Varroa destructor ne ratent jamais une abeille qui se pose à leurs côtés. En deux secondes, ces sortes de crabes rougeâtres longs de moins de 2 mm, dotés d'une sacrée détente et de huit pattes terminées de ventouse, s'arriment à l'insecte… qu'ils ne vont plus lâcher jusqu'à ce qu'il les transporte dans la ruche où ils pourront se goinfrer de “sang” d'abeille et de larves.


Une étude publiée dans la revue PLOS one, décrit pour la première fois — et documente en vidéo, voir ci-dessous — comment ces “vampires” peuvent agilement sauter depuis une fleur sur une butineuses. La découverte de ce nouveau mode de transmission du varroa est importante car ce parasite redoutable est mis en cause dans la surmortalité des abeilles en hiver et le syndrome d'effondrement des colonies.  “Comme les acariens n'ont pas d'yeux et s'appuient probablement sur leurs membres antérieurs chémosensoriels pour détecter leurs hôtes potentiels, nous avons commencé cette étude en doutant  qu'un acarien sur une fleur soit capable d'une discrimination sensorielle rapide pour détecter une abeille et des acrobaties nécessaires pour monter sur une butineuse avant qu'elle ne s'envole, explique l'écologue David Thomas Peck, de l'université Cornell, à Ithaca (État de New York),premier signataire de l'étude. Une fois les acariens posés sur les abeilles, ils montrent des comportements assez sophistiqués pour éviter d'être évacués par un toilettage.”  En moins de deux secondes, ils grimpent sur le dessus d'une patte ou au centre du dos de l'insecte, où ce dernier ne peut les atteindre. Finalement, lorsque les acariens gagnent une ruche, ils se reproduisent dans les cellules du couvain et commencent à se nourrir dans la place.

Les fleurs coupées seraient un vecteur de propagation du parasite


Jusqu’alors on savait que les parasites se transmettaient entre colonies lors du pillage d’une ruche affaiblie et infestée par d’autres abeilles, lors de la visite de faux bourdons étrangers, ou encore lors de l’essaimage. Mais des apiculteurs avaient déjà observé des parasites sur des fleurs et discutaient dans certains forums de la possibilité que ces derniers attendent en embuscade sur des fleurs.

En 2000, un inspecteur du Département américain de l’agriculture (USDA)  avait découvert un varroa sur des fleurs en provenance des Pays-Bas alors qu’il n’y avait aucune abeille dans la cargaison. Ce qui suggérait que la bestiole avait survécu plusieurs semaines sans le fluide nourricier qu’elle suce chez sa victime. Inquiétant. Une femelle varroa vivante a aussi été découverte sur le cadavre d’une abeille dans un lot de fleurs coupées en provenance d’Afrique du Sud. Il fallait donc vérifier si l’acarien pouvaient se servir des végétaux comme d’un tremplin pour infester ses hôtes. Pour cela, les chercheurs ont testé des colonies de butineuses des montagnes des Adirondacks, dans l'État de New York. Ils ont placé des parasites sur des mangeoires d'eau sucrée et sur des fleurs en pot et observé les acariens détecter les abeilles et tracer habilement leur chemin sur le dos des insectes. Sur les 31 acariens placés sur des mangeoires sucrées, 29 ont infesté l’abeille, seuls deux ont été balayés par le vent. Dans 12 cas, les abeilles se sont immédiatement nettoyées mais n’ont pu enlever le parasite que trois fois. 26 des 31 parasites ont chevauché leur victime jusqu’à la ruche où ils ont pu s’installer et prospérer dans les couvains. Des 43 acariens placés sur des fleurs, 41 ont infesté l’abeille. Un seule est tombé de son hôte. Un seul a été évacué par toilettage.

Ces résultats soulèvent des inquiétudes au sujet de la livraison de fleurs coupées et de la propagation du varroa dans les rares zones où il n'existe pas, comme l'Australie et les îles d’Ouessant et de La Réunion. “Si un acarien est capable de sauter depuis une fleur sur une abeille qui a visité un marché de plein air, le résultat pourrait être désastreux”, explique l’écologue américain, ajoutant que des mesures de protection plus strictes devraient être envisagées pour les expéditions de fleurs. Celles-ci pourraient inclure de pulvériser les plantes de produits acaricides, de les réfrigérer ou encore de limiter les expéditions aux fleurs cultivées dans des serres sécurisées.

Les prochaines étapes de cette recherche seront de mieux comprendre les comportements des acariens sur les fleurs, comme la fréquence et les circonstances dans lesquelles ils les visitent.

© Sciences et Avenir 2017